La protection médicale tardive des coolies dans les plantations d'hévéas en Indochine : l'exemple de la mise en place d'un service sanitaire modèle dans les plantations Michelin, 1925-1939. - Inria - Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2014

La protection médicale tardive des coolies dans les plantations d'hévéas en Indochine : l'exemple de la mise en place d'un service sanitaire modèle dans les plantations Michelin, 1925-1939.

Eric Panthou

Résumé

Plus de dix ans après les Britanniques en Malaisie, la protection médicale des ouvriers agricoles et en particulier la lutte contre la paludisme deviennent au milieu des années 1920 en Indochine un problème économique, une question d'ordre social mettant en péril l'avenir des immenses plantations d'hévéas créées récemment par de grands groupes industriels et financiers, quand certaines perdaient en moins de deux ans plus de la moitié de leur effectif par décès, rapatriements ou fuites. Ceci a donné lieu à de nombreuses publications par les services de Santé de la Colonie. Encouragées par les autorités, elles-mêmes soumises au respect des dispositions sanitaires de la nouvelle réglementation de 1927 protégeant davantage les coolies contractuels, plusieurs grandes sociétés, comme Michelin, ont mis en œuvre leur propre politique sanitaire, à l'image de ce que les planteurs de Malaisie réalisaient. C'est le recrutement du docteur Warnecke, spécialiste de la médecine coloniale, et le diagnostic qu'il pose sur l'état sanitaire des travailleurs qui marque un tournant début 1929 dans les plantations Michelin. A partir de cette date, même si ces dernières n'étaient pas celles où le taux de mortalité était le plus élevé, contrairement à ce que de nombreux ouvrages affirment, la direction en métropole a décidé de se doter d'une organisation sanitaire unique dans le domaine privé en Indochine. L'hôpital ouvert dès fin 1928 sur la plantation de Dầu Tiếng symbolise cet effort. Il fut mainte fois cité comme modèle par sa taille et son équipement. L'entreprise a aussi reçu un appui précoce de l'Institut Pasteur, notamment après un don très important à son service antipaludique en 1928. Michelin développe ses propres méthodes d'inhalation de la quinine, son laboratoire d'analyses médicales, et fut la seule entreprise privée recrutant un ingénieur antipaludéen. Toute une série de mesures sont prises pour protéger ouvriers, femmes et nouveaux nés. Si l'histoire de la lutte antipaludique dans les plantations et les efforts d'encadrement sanitaire ont été récemment été abordée dans la thèse de Michitake Aso, celle des services de Santé des plantations reste à écrire. Cette communication, s'appuie sur les Archives Nationales d'Outre-Mer, ceux de l'Institut Pasteur et surtout sur plusieurs documents inédits conservés aux archives de la Société Michelin, en particulier les rapports du docteur Warnecke (89 pages et 69 photos) et du docteur Morin, de l'Institut Pasteur, sur la plantation Michelin de Phú Riềng. Elle se propose de mesurer les efforts consentis par une entreprise présentée comme un modèle dans le domaine social en métropole, mais aussi les limites de leur impact dans le cadre de concessions capitalistes guidées par les impératifs de rendements et où prévalent des préjugés raciaux à l'égard des coolies. Le rapport du docteur Warnecke, chiffres à l'appui, démontre que ces lourds investissements se sont avérés payants par rapport aux coûts d'hospitalisation dans les établissements publics, en réduisant notoirement le nombre d'ouvriers indisponibles pour le travail. Il détaille l'ensemble des mesures prises pour améliorer la condition des coolies : nourriture, prévention des maladies et blessure, nécessité d'infrastructures médicales centrales et d'un personnel compétent, importance du drainage, etc. Mais à côté, on constate que la prise en compte de ces problèmes humains a été trop tardive pour éviter les hécatombes des premières années (17% de morts à Phú Riềng en 1928). Des critiques sont émises en interne sur l'attitude des infirmiers soumis à une double pression de la part de leur encadrement : d'un côté, dissuader les ouvriers de feindre une blessure ou maladie pour ne pas rejoindre leur travail, et de l'autre, prévenir l'aggravation des blessures pouvant immobiliser longuement les coolies. Au final, les succès remportés au niveau sanitaire et médical ont certes amélioré la condition physique et morale des ouvriers, mais ceci a permis une hausse des rendements et une augmentation de l'exploitation de la main-d'œuvre. Si bien que l'image des conditions de vie et de travail dans ces plantations est restée mauvaise malgré ces progrès indéniables.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01273583 , version 1 (12-02-2016)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01273583 , version 1

Citer

Eric Panthou. La protection médicale tardive des coolies dans les plantations d'hévéas en Indochine : l'exemple de la mise en place d'un service sanitaire modèle dans les plantations Michelin, 1925-1939.. The 5th International Conference of The History of Medicine in Southeast Asia, Jan 2014, Manilles, Philippines. ⟨hal-01273583⟩

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