Certains s'en souviennent peut-être, au début des années soixante Jean-Luc Godard avait distingué deux grandes catégories de cinéastes : d'un côté les réalisateurs de films « lignes droites », de l'autre les auteurs de « films cercles ». Les premiers, déclarait Godard, « écrivent leur film de la façon la plus complète possible… Le tournage n'est qu'une application pratique. Il faut construire quelque chose qui ressemble le plus possible à ce qui a été imaginé » . Ainsi Eisenstein et Hitchcock, remarquait l’auteur d’A bout de souffle (1959). Les autres, dont on peut deviner que le chef de file de la Nouvelle vague se réclamait, en revanche « ne savent pas très bien ce qu'ils vont faire et ils cherchent. Le film est cette recherche. Ils savent qu'ils vont arriver quelque part, et ils ont des moyens pour cela, mais où exactement ? » . De cette quête aléatoire propre à l’apprentissage du regard chez Kiarostami, de ces régimes d’indétermination où l’évidence le dispute au tremblement de l’incertitude, de cette « réserve d’envolée » que ses films par ailleurs soulèvent, nous proposons ici de parler à la lumière de son dernier grand opus des années 90 : Le Vent nous emportera (1999).