« John James Audubon » : le nom du peintre naturaliste résonne comme celui d’une icône aux États-Unis. Et pour cause, son œuvre monumentale, Birds of America, un recueil de 435 planches d’oiseaux dessinés à travers les espaces sauvages américains, incarne les mythes fondateurs de la wilderness et du self-making, et fait figure de patrimoine national outre-Atlantique. Pourtant, malgré son assimilation au patriotisme et à l’American spirit, force est de constater la dynamique transnationale à la réalisation du naturaliste. Né à Saint-Domingue en 1785 de parents français et mort à New York en 1851, Audubon, tel un oiseau migrateur, traverse l’Atlantique douze fois au cours de sa vie. Pour vivre de son œuvre, il parcourt les villes des États-Unis et d’Europe, aux moyens de contacts constants entre les deux rives. Bien que « d’Amérique », les oiseaux d’Audubon seront finalement publiés entre 1827 et 1838 à Édimbourg, puis à Londres, et trouveront leur succès auprès de l’élite britannique et française, avant paradoxalement de « s’exporter » dans leur pays d’origine. Dès lors, comment ignorer le contexte de circulations atlantiques propres aux révolutions politiques, sociales et technologiques de la première moitié du XIXe siècle ? À travers l’étude des réseaux de sociabilité (sociétés savantes, salons mondains) et des échanges artistiques de part et d’autre de l’océan (entre sensibilité romantique et théorie du pittoresque), cette communication propose de relativiser le principe de nationalisme dans l’œuvre d’Audubon, de réfléchir à sa réalisation sous l’angle des transferts culturels, et d’envisager la notion d’identité non plus sous l’angle territorial mais celui du métissage.